conte

Qu’est-ce que tu fais là?

Depuis quand était-elle là ? Depuis combien de temps gisait-elle au fond de ce trou ?!? Elle ne savait plus, mais ce dont elle était sûre, c’est que ses forces s’en allaient. Elle s’était épuisée à appeler au secours, à crier, à essayer de s’en sortir. Mais rien, ni personne, pas âme qui vive pour lui venir en aide. Et elle n’en pouvait plus.

Elle se disait qu’elle finirait sa vie de brebis, là, dans ce trou noir, sans avoir accompli quoi que ce soit de son passage sur cette terre. Elle se disait que les siens ne la reverraient plus… Les siens… ? Mais est-ce qu’elle manquerait vraiment à quelqu’un ?!? Est-ce qu’ils la cherchaient d’ailleurs ? Une brebis de plus, une brebis de moins, et surtout une rebelle, qu’est-ce que ça changerait ?!? Elle serait vite remplacée.

Le cœur lourd, fatigué et abattu, elle avait décidé de se laisser endormir… ne plus réfléchir…


… Lorsqu’une voix s’est fait entendre, très faiblement d’abord. Ça venait de loin. Il lui semblait reconnaître son nom, enfin plutôt le nom qu’il lui avait donné. Est-ce que c’était bien lui ?!? «  Lui », son berger, il avait toujours été doux et attentionné avec elle. Il l’avait considérée comme son « unique » tout au long de sa courte vie. Il lui avait même attribué un petit nom que lui seul prononçait. Il l’aimait mais son cœur rebelle l’avait empêchée de réaliser jusqu’à quel point…

La voix se rapprochait et se trouvait maintenant juste au-dessus du trou dans lequel elle était tombée.

« Ah te voilà ! Mais qu’est-ce que tu fais là ?!? »

Épuisée, elle était incapable de lui répondre. Mais elle en était sûre, c’était Lui, son bon berger. Elle aurait reconnu sa voix entre mille.

Il s’est glissé dans sa prison de terre et, délicatement, Il l’a prise dans ses bras. Il l’a serrée avec douceur tout contre lui pour la rassurer et lui partager la chaleur de son corps. Au creux de son oreille, il lui murmurait des paroles de réconfort, d’amour, qui peu à peu l’apaisaient et la rassuraient. Elle savait que maintenant elle était en sécurité. Comme c’était bon ! Comme c’était bon de retrouver celui qui l’aimait. Comme c’était bon de se sentir importante pour quelqu’un. Pour rien au monde elle n’aurait voulu être ailleurs !!!

Mais quelle idée avait-elle eue de partir seule loin du troupeau, de s’isoler, de croire qu’elle pouvait vivre sa vie de brebis en solitaire ?!? Qu’elle idée de vouloir se rebeller, elle qui était née pour être brebis ! Mais quelle idée de vouloir quitter la sécurité d’un troupeau et un berger aimant et attentionné !!!

Le loup ne s’y était pas trompé. Il l’avait guettée, elle, la brebis isolée. Et le moment venu, il n’avait pas hésité à passer à l’attaque. Elle avait couru, couru, couru… jusqu’à tomber dans ce trou qui l’avait sauvée, du loup en tout cas.

« Mais qu’est-ce que tu fais là ?!? »

Comme ils arrivaient à la bergerie, elle pouvait voir qu’ils n’étaient pas seuls. Oh non ! D’autres troupeaux, nombreux, venus de partout, avaient rejoint le sien et un brouhaha joyeux flottait dans l’air, mêlant brebis, agneaux et moutons de différents cheptels, dans un ensemble de bêlements des plus harmonieux. 

« C’est la fête dans l’étable, ce soir, on dirait !!! »

Le ciel était tout éclairé autour du lieu, comme si on y avait allumé des milliers de bougies. Et puis, il y avait la musique. Pas celle des troupeaux, non, ni les chants des bergers. Non, c’était différent. Cela venait de partout et … de nulle part. La musique et un chant. Le plus beau des chants. Il remplissait tout, le ciel et la terre, et il te touchait au cœur. On aurait dit comme le chant des anges !!!

Ils étaient maintenant arrivés dans l’étable, au chaud. Son bon berger, en s’excusant, a devancé tout ce petit monde joyeux pour rejoindre l’endroit où toutes les personnes présentes s’étaient regroupées… pour admirer un nouveau-né couché dans une mangeoire !

Mais qu’est-ce qu’il faisait là, lui aussi ?!?

Le berger a pris sa petite brebis blessée et épuisée, et délicatement, il l’a déposée sur la paille, tout près de l’enfant, comme si elle aussi était un nouveau-né, d’un autre genre. Là régnait une paix profonde, et les chants tout autour d’eux étaient à la fois doux et joyeux. On regardait cet enfant avec amour et respect, un peu comme on regarde un roi !!! D’être si près de lui, elle aussi se sentait un peu comme un reine. Son souffle se mêlait au sien, si délicat. C’était un peu comme si sa vie à elle dépendait de sa vie à lui.

« Qu’est-ce que tu fais là, petite brebis ?!? »

Elle n’était pas trop sûre de ce qu’elle faisait là. Mais ce qu’elle savait c’est que de cet enfant se dégageait La vie et que là, à ses pieds, Il lui communiquait Sa vie, une vie nouvelle pour elle. Elle ne voulait plus le quitter, rester là, à ses pieds pour le réchauffer et se laisser réchauffer le cœur. Là, elle avait trouvé la paix, la joie, et va savoir pourquoi et comment, l’amour avait envahi son cœur. Elle n’avait aucune autre raison d’être en vie que de vivre là, à ses côtés.

« Qu’est-ce que tu fais là, petite brebis ?!? »

« Je suis revenue au cœur de la louange. C’est ici ma place parce que j’y suis aimée, consolée, soignée, même si je ne suis qu’une simple brebis… Ici, je suis vivante. Alors, c’est sûr, je ne partirai plus ! »


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